La protection de l'enfant
Le mineur n'a pas les mêmes droits que le citoyen
majeur, parce qu'il doit être protégé. Pourquoi en est-il ainsi ? Cette
protection est-elle efficace ? Qui en sont les acteurs ?
1. Les droits du mineur
Le mineur (en France et dans la plupart des pays du
monde, toute personne de moins de 18 ans) semble être placé par la loi elle-même
en situation d'inégalité par rapport au citoyen majeur : il ne peut exercer seul
la plupart des droits qui sont reconnus aux adultes. Ce sont des adultes (ses
parents ou ceux qui jouent leur rôle) qui exercent ces droits à sa place et en
son nom, comme ses « représentants légaux ». Ce n'est pas l'enfant qui choisit
son école, qui accepte ou refuse une décision de doublement, mais sa
famille.
Toutefois, la situation du mineur n'est inégalitaire
qu'en apparence : la loi lui reconnaît ce statut dans son intérêt, parce qu'il
le protège. La loi tient tout simplement compte du fait que l'enfant et
l'adolescent ne sont pas assez grands (matures) pour mesurer seuls toutes les
conséquences de leurs actes ni pour faire face à toutes les difficultés de la
vie. Si, malgré cela, la loi leur donnait les mêmes droits qu'aux majeurs, elle
les abandonnerait au risque d'être exploités par des adultes : ceux-ci auraient
peu de mal à leur faire conclure, par exemple, des contrats de travail ou des
contrats de vente désavantageux. Pour préserver la dignité du mineur, il faut
justement considérer qu'il ne peut pas agir comme un majeur. La liberté du
mineur doit donc être limitée, mais, en contrepartie, sa responsabilité,
l'obligation qu'il a de réparer ses fautes, est elle aussi limitée.
Les droits que la loi française reconnaît au mineur ne
sont donc pas, pour l'essentiel, des droits de faire quelque chose, des
droits-libertés, mais des droits à obtenir quelque chose, des
droits-créances : la société a des devoirs envers lui.
L'enfant n'est pas encore un adulte, mais il doit être
élevé dans des conditions qui lui permettent de devenir un adulte, c'est-à-dire
qu'il a droit :
— à une famille ;
— à des conditions de vie dignes ;
— à l'éducation ;
— à la santé.
En plus de ces droits-créances, le mineur s'est aussi vu
reconnaître (par la Convention internationale des droits de l'enfant,
signée en 1989) certains droits-libertés : liberté d'expression, liberté de
conscience, etc.
2. L'enfance en danger
L'enfant est en danger à partir du moment où l'on ne
respecte plus les obligations que l'on a envers lui, où il n'obtient plus ce à
quoi il a droit pour se développer normalement. Comme la société reconnaît ces
droits, c'est aussi à la société tout entière d'assurer sa protection.
Toute forme d'exploitation et de
maltraitance est ainsi une atteinte inacceptable à la dignité de
l'enfant : travail forcé, violences, abus sexuels, absence de soins, etc. Ces
actes sont des infractions et ceux qui les commettent s’exposent à des peines
d’autant plus lourdes que la victime est un mineur. La peur d'une condamnation
plus lourde ne suffit cependant pas à dissuader (à décourager) toutes les
personnes coupables de maltraitance à enfant. En effet, les enfants et les
adolescents n'osent pas encore assez dénoncer les actes dont ils sont victimes :
c'est cette « loi du silence » qui favorise, par exemple, le développement du
racket, car ceux qui le pratiquent espèrent rester impunis. Cependant, de plus
en plus de maltraitances sont dénoncées depuis une dizaine d'années, ce qui
prouve que les esprits évoluent, mais on pense que beaucoup de faits restent
encore cachés.
Pour répondre à ce problème, la loi prévoit :
— la possibilité pour les enfants victimes de crimes
(comme les viols) de les dénoncer dans les dix ans qui suivent leur
majorité, voire encore vingt ans après dans certains cas ;
— des procédures d'enquête spécifiques quand la
victime est un mineur, en particulier pour éviter qu'elle ne doive raconter les
faits plusieurs fois ou en public, ce qui cause un véritable traumatisme ;
— des services spécialisés dans l'écoute des mineurs en
danger, accessibles par l'intermédiaire de numéros de téléphone gratuits
(numéros verts comme le 119, « Allo Enfance maltraitée ») ;
— une autorité indépendante, le défenseur des
enfants, que les mineurs peuvent alerter directement sur leur situation. Il
n'a pas lui-même pour rôle de juger ou d'ordonner, mais il propose des solutions
aux services publics, à la justice, aux familles.
La question est d'autant plus délicate qu'il faut
parfois protéger le mineur de sa propre famille, par exemple dans les cas
d'inceste (abus sexuels de la part d'un membre de la famille). L'autorité
parentale est garantie par la loi, puisqu'elle est indispensable à la protection
du mineur, mais il est clairement dit qu'elle n'est établie que dans l'intérêt
de ce dernier. Si cette autorité se retourne contre les droits fondamentaux du
mineur, alors la justice peut la retirer aux parents, temporairement ou
définitivement. Le mineur doit alors être placé dans une autre famille, mais
faute de familles d'accueil assez nombreuses, il est souvent obligé de vivre de
longues années dans un foyer.
Enfin, il faut parfois protéger le mineur contre
lui-même. Il se met en danger toutes les fois qu'il adopte une conduite à
risque ou qu'il commet un acte puni par la loi. Le rôle de la justice peut être
de le sanctionner (prison, amende), mais il est plus souvent de décider des
mesures d'éducation plus ou moins strictes (suivi par un éducateur spécialisé,
placement dans un foyer, etc.). Ce système a parfois été critiqué en raison de
l'augmentation de la délinquance des jeunes ces dernières années. Faut-il alors
renoncer au droit actuel, protecteur pour le mineur, et être plus répressif ?
Cela dépendra en grande partie de l'efficacité des actions de prévention des
conduites à risque chez les jeunes, par exemple au moyen de l'éducation à la
santé.
3. Les acteurs de la protection de l'enfance
La protection du mineur incombe à toute la société. Les
acteurs de cette protection se rencontrent dans des services très divers.
La justice a un rôle particulier à jouer dans ce
domaine, puisque c'est elle qui peut prendre des mesures de contrainte. La
décision appartient, selon les cas, au juge des enfants ou au juge des
tutelles. Mais la mise en route de la procédure devant la justice revient
toujours au procureur de la République, au ministère public, qui a pour
mission de veiller sur les intérêts de tous ceux qui sont protégés par la
loi.
Les principaux auxiliaires de la justice pour la
protection des mineurs sont la Protection judiciaire de la jeunesse
(PJJ), service de l’État auquel appartiennent les éducateurs spécialisés, et
l’Aide sociale à l’enfance, service du Conseil général (départements)
auquel appartiennent les assistantes sociales. C’est ce service qui mène des
enquêtes sur le milieu où vit le mineur, contrôle les foyers, etc. Mais depuis
que l'on a pris conscience de l'importance du problème de l'enfance en danger,
tous les services publics ont pour mission d'être à l'écoute des enfants
en situation de détresse. C'est particulièrement le cas, au collège, des
médecins scolaires, des enseignants, des personnels de la vie scolaire, etc. Ces
agents sont rarement spécialisés dans le traitement des problèmes de l'enfance
en danger, mais ils travaillent de plus en plus en réseau avec les
services plus compétents : s'adresser à eux, c'est souvent le premier pas dans
la rupture de la « loi du silence ».
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